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les nombreuses variétés d’aphasie décrites par les cliniciens, on en connaît d’abord deux (4e et 6e formes de Lichtheim), qui paraissent impliquer une relation de ce genre. Ainsi, dans un cas observé par Lichtheim lui-même, le sujet, à la suite d’une chute, avait perdu la mémoire de l’articulation des mots et par conséquent la faculté de parler spontanément ; il répétait pourtant avec la plus grande correction ce qu’on lui disait[1]. D’autre part, dans des cas où la parole spon­tanée est intacte, mais où la surdité verbale est absolue, le malade ne com­prenant plus rien de ce qu’on lui dit, la faculté de répéter la parole d’autrui peut encore être entièrement conservée[2]. Dira-t-on, avec Bastian, que ces phéno­mènes témoignent simplement d’une paresse de la mémoire articulatoire ou auditive des mots, les impressions acoustiques se bornant à réveiller cette mémoire de sa torpeur[3] ? Cette hypothèse, à laquelle nous ferons d’ailleurs une place, ne nous paraît pas rendre compte des phénomènes si curieux d’écholalie signalés depuis longtemps par Romberg[4], par Voisin[5], par Winslow[6], et que Kussmaul a qualifiés, avec quelque exagération sans doute, de réflexes acoustiques[7]. lei le sujet répète machinalement, et peut-être incon­sciemment, les paroles entendues, comme si les sensations auditives se convertissaient d’elles-mêmes en mouvements articulatoires. Partant

  1. LICHTHEIM, On Aphasia (Brain, janv. 1885, p. 447).
  2. Ibid., p. 454.
  3. BASTIAN, On different kinds of Aphasia (British Medical Journal, oct. et nov. 1887, p. 935).
  4. ROMBERG, Lehrbuch der Nervenkrankheiten, 1853, t. II.
  5. Cité par BATEMAN, On Aphasia, London, 1890, p. 79. —Cf. MARCÉ, Mémoire sur quelques observations de physiologie pathologique (Mém. de la Soc. de Biologie, 2e série, t. III, p. 102).
  6. WINSLOW, On obscure diseases of the Brain, London, 1861, p. 505.
  7. KUSSMAUL, Les troubles de la parole, Paris, 1884, p. 69 et suiv.