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le moment est venu de sortir de ces généralités. Nous devons cher­cher si notre hypothèse est vérifiée ou infirmée par les faits connus de locali­sation cérébrale. Les troubles de la mémoire imaginative qui correspondent à des lésions localisées de l’écorce sont toujours des maladies de la reconnais­sance, soit de la reconnaissance visuelle ou auditive en général (cécité et surdité psychiques), soit de la reconnaissance des mots (cécité verbale, surdité verbale, etc.). Tels sont donc les troubles que nous devons examiner.

Mais si notre hypothèse est fondée, ces lésions de la reconnaissance ne viendront pas du tout de ce que les souvenirs occupaient la région lésée. Elles devront tenir à deux causes : tantôt à ce que notre corps ne peut plus prendre automatiquement, en présence de l’excitation venue du dehors, l’attitude pré­cise par l’intermédiaire de laquelle s’opérerait une sélection entre nos souve­nirs, tantôt à ce que les souvenirs ne trouvent plus dans le corps un point d’application, un moyen de se prolonger en action. Dans le premier cas, la lésion portera sur les mécanismes qui continuent l’ébranlement recueilli en mouvement automatiquement exécuté : l’attention ne pourra plus être fixée par l’objet. Dans le second, la lésion intéressera ces centres particuliers de l’écorce qui préparent les mouvements volontaires en leur fournissant l’antécédent sensoriel nécessaire, et qu’on appelle, à tort ou à raison, des centres imagi­natifs : l’attention ne pourra plus être fixée par le sujet. Mais, dans un cas comme dans l’autre, ce sont des mouvements actuels qui seront lésés ou des mouvements à venir qui cesseront d’être préparés : il n’y aura pas eu des­truction de souvenirs.

Or, la pathologie confirme cette prévision. Elle nous révèle l’existence