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moire dirige sur la percep­tion reçue les anciennes images qui y ressemblent et dont nos mouvements ont déjà tracé l’esquisse. Elle crée ainsi à nouveau la perception présente, ou plutôt elle double cette perception en lui renvoyant soit sa propre image, soit quelque image-souvenir du même genre. Si l’image retenue ou remémorée n’arrive pas à couvrir tous les détails de l’image perçue, un appel est lancé aux régions plus profondes et plus éloignées de la mémoire, jusqu’à ce que d’autres détails con­nus viennent se projeter sur ceux qu’on ignore. Et l’opération peut se continuer sans fin, la mémoire fortifiant et enrichissant la perception, qui, à son tour, de plus en plus développée, attire à elle un nombre croissant de souvenirs com­plémentaires. Ne pensons donc plus à un esprit qui disposerait de je ne sais quelle quantité fixe de lumière, tantôt la diffusant tout alentour, tantôt la con­centrant sur un point unique. Image pour image, nous aimerions mieux com­parer le travail élémentaire de l’attention à celui du télégraphiste qui, en recevant une dépêche importante, la réexpédie mot pour mot au lieu d’origine pour en contrôler l’exactitude.

Mais pour renvoyer une dépêche, il faut savoir manipuler l’appareil. Et de même, pour réfléchir sur une perception l’image que nous en avons reçue, il faut que nous puissions la reproduire, c’est-à-dire la reconstruire par un effort de synthèse. On a dit que l’attention était une faculté d’analyse, et l’on a eu raison ; mais on n’a pas assez expliqué comment une analyse de ce genre est possible, ni par quel processus nous arrivons à découvrir dans une perception ce qui ne s’y manifestait pas d’abord. La vérité est que cette analyse se fait par une série d’essai de synthèse, ou, ce qui revient au mê