Page:Bergson - Matière et mémoire.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée

distincts, et diffèrent tout au moins par ce simple fait que A’est une perception tandis que A n’est plus qu’un souvenir. Des deux interprétations que nous avions annoncées, la première vient ainsi se fondre dans la seconde, que nous allons examiner.

On suppose cette fois que la perception présente va toujours chercher, au fond de la mémoire, le souvenir de la perception antérieure qui lui ressemble : le sentiment du « déjà vu » viendrait d’une juxtaposition ou d’une fusion entre la perception et le souvenir. Sans doute, comme on l’a fait observer avec profondeur[1], la ressemblance est un rapport établi par l’esprit entre des termes qu’il rapproche et qu’il possède par conséquent déjà, de sorte que la perception d’une ressemblance est plutôt un effet de l’association que sa cause. Mais à côté de cette ressemblance définie et perçue qui consiste dans la communauté d’un élément saisi et dégagé par l’esprit, il y a une ressemblance vague et en quelque sorte objective, répandue sur la surface des images elles-mêmes, et qui pourrait agir comme une cause physique d’attraction réciproque[2]. Alléguerons-nous qu’on reconnaît souvent un objet sans réussir à l’identifier avec une ancienne image ? On se réfugiera dans l’hypothèse commode de traces cérébrales qui coïncideraient, de mouvements cérébraux que l’exercice faciliterait[3], ou de cellules de perception communiquant avec des

  1. BROCHARD, La loi de similarité, Revue philosophique, 1880, t. IX, p. 258, E. RABIER se rallie à cette opinion dans ses Leçons de philosophie, t. 1, Psychologie, pp. 187-192.
  2. PILLON, article cité, p. 207. — Cf. Jarnes SULLY, The human Mind, London, 1892, t. I, p. 331.
  3. HÖFFDING, UeberWiedererkennen, Association und psychische Activität (Viertelfahrsschrift f. wissenschaftliche Philosophie, 1889, p. 433).