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Elles auraient toujours témoigné d’un effort pour constituer une métaphysique ayant avec la science une frontière commune et pouvant alors, sur une foule de points, se prêter à une vérification. N’eût-on pas cheminé le long de cette frontière, eût-on simplement remarqué qu’il y en avait une et que métaphysique et science pouvaient ainsi se toucher, on se fût déjà rendu compte de la place que nous assignons à la science positive ; aucune philosophie, disions-nous, pas même le positivisme, ne l’a mise aussi haut ; à la science, comme à la métaphysique, nous avons attribué le pouvoir d’atteindre un absolu. Nous avons seulement demandé à la science de rester scientifique, et de ne pas se doubler d’une métaphysique inconsciente, qui se présente alors aux ignorants, ou aux demi-savants, sous le masque de la science. Pendant plus d’un demi-siècle, ce « scientisme » s’était mis en travers de la métaphysique. Tout effort d’intuition était découragé par avance : il se brisait contre des négations qu’on croyait scientifiques. Il est vrai que, dans plus d’un cas, elles émanaient de vrais savants. Ceux-ci étaient dupes, en effet, de la mauvaise métaphysique qu’on avait prétendu tirer de la science et qui, revenant à la science par ricochet, faussait la science sur bien des points. Elle allait jusqu’à fausser l’observation, s’interposant dans certains cas entre l’observateur et les faits. C’est de quoi nous crûmes jadis pouvoir donner la démonstration sur des exemples précis, celui des aphasies en particulier, pour le plus grand bien de la science en même temps que de la philosophie. Mais supposons même qu’on ne veuille être ni assez métaphysicien ni assez savant pour entrer dans ces considérations, qu’on se désintéresse du contenu de la doctrine, qu’on en ignore la méthode : un simple coup d’œil jeté sur les applications montre quel travail de circonvalla-