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qui le suivaient avec le plus d’attention. C’étaient, d’abord, une série de mémoires et d’articles sur la Vénus de Milo ; beaucoup s’étonnaient de l’insistance avec laquelle il revenait sur un sujet aussi particulier. C’étaient aussi des travaux sur les monuments funéraires de l’antiquité. C’étaient enfin des considérations sur les problèmes moraux ou pédagogiques qui se posent à l’heure actuelle. On pouvait ne pas apercevoir de lien entre des préoccupations aussi différentes. La vérité est que ses hypothèses sur les chefs-d’œuvre de la sculpture grecque, ses essais de reconstitution du groupe de Milo, ses interprétations des bas-reliefs funéraires, ses vues sur la morale et l’éducation, tout cela formait un ensemble bien cohérent, tout cela se rattachait, dans la pensée de M. Ravaisson, à un nouveau développement de sa doctrine métaphysique. De cette dernière philosophie nous trouvons une esquisse préliminaire dans un article intitulé Métaphysique et morale qui parut, en 1893, comme introduction à la revue de ce nom. Nous en aurions eu la formule définitive dans le livre que M. Ravaisson écrivait quand la mort est venue le surprendre. Les fragments de cet ouvrage, recueillis par des mains pieuses, ont été publiés sous le titre de Testament philosophique. Ils nous donnent sans doute une idée suffisante de ce qu’eût été le livre. Mais si nous voulons suivre la pensée de M. Ravaisson jusqu’à cette dernière étape, il faut que nous remontions en deçà de 1870, en deçà même du Rapport de 1867, et que nous nous transportions à l’époque où M. Ravaisson fut appelé à fixer son attention sur les œuvres de la statuaire antique.

Il y fut amené par ses considérations mêmes sur l’enseignement du dessin. Si l’étude du dessin doit commencer par l’imitation de la figure humaine, et aussi par la beauté dans ce qu’elle a de plus parfait, c’est à la statuaire antique qu’on