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III

LE POSSIBLE ET LE RÉEL

Essai publié dans la revue suédoise Nordisk Tidskrift
en novembre 1930[1].


Je voudrais revenir sur un sujet dont j’ai déjà parlé, la création continue d’imprévisible nouveauté qui semble se poursuivre dans l’univers. Pour ma part, je crois l’expérimenter à chaque instant. J’ai beau me représenter le détail de ce qui va m’arriver : combien ma représentation est pauvre, abstraite, schématique, en comparaison de l’événement qui se produit ! La réalisation apporte avec elle un imprévisible rien qui change tout. Je dois, par exemple, assister à une réunion ; je sais quelles personnes j’y trouverai, autour de quelle table, dans quel ordre, pour la discussion de quel problème. Mais qu’elles viennent, s’assoient et causent comme je m’y attendais, qu’elles disent ce que je pensais bien qu’elles diraient : l’ensemble me donne une impression unique et neuve, comme s’il était maintenant

  1. Cet article était le développement de quelques vues présentées à l’ouverture du « meeting philosophique » d’Oxford, le 24 septembre 1920. En l’écrivant pour la revue suédoise Nordisk Tidskrift, nous voulions témoigner du regret que nous éprouvions de ne pouvoir aller faire une conférence à Stockholm, selon l’usage, à l’occasion du prix Nobel. L’article n’a paru, jusqu’à présent, qu’en langue suédoise.