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GENÈSE IDÉALE DE LA MATIÈRE

chacun de nous constate quand il se regarde agir. Les choses se constituent par la coupe instantanée que l’entendement pratique, à un moment donné, dans un flux de ce genre, et ce qui est mystérieux quand on compare entre elles les coupes devient clair quand on se reporte au flux. Même, les modalités de l’action créatrice, en tant que celle-ci se poursuit dans l’organisation des formes vivantes, se simplifient singulièrement quand on les prend de ce biais. Devant la complexité d’un organisme et la multitude quasi-infinie d’analyses et de synthèses entrelacées qu’elle présuppose, notre entendement recule déconcerté. Que le jeu pur et simple des forces physiques et chimiques puisse faire cette merveille, nous avons peine à le croire. Et si c’est une science profonde qui est à l’œuvre, comment comprendre l’influence exercée sur la matière sans forme par cette forme sans matière ? Mais la difficulté naît de ce qu’on se représente, statiquement, des particules matérielles toutes faites, juxtaposées les unes aux autres, et, statiquement aussi, une cause extérieure qui plaquerait sur elles une organisation savante. En réalité la vie est un mouvement, la matérialité est le mouvement inverse, et chacun de ces deux mouvements est simple, la matière qui forme un monde étant un flux indivisé, indivisée aussi étant la vie qui la traverse en y découpant des êtres vivants. De ces deux courants, le second contrarie le premier, mais le premier obtient tout de même quelque chose du second : il en résulte entre eux un modus vivendi, qui est précisément l’organisation. Cette organisation prend pour nos sens et pour notre intelligence la forme de parties entièrement extérieures à des parties dans le temps et dans l’espace. Non seulement nous fermons les yeux sur l’unité de l’élan qui, traversant les générations, relie les individus aux individus, les