Page:Bergson - L’Évolution créatrice.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
L’HÉRÉDITÉ DE L’ACQUIS

en temps normal des fonctions différentes, sont capables de faire les mêmes suppléances et de fabriquer, quand il le faut, les mêmes pièces de la machine. Nous avons bien ici un même effet obtenu par des combinaisons diverses de causes.

Bon gré malgré, c’est à un principe interne de direction qu’il faudra faire appel pour obtenir cette convergence d’effets. La possibilité d’une telle convergence n’apparaît ni dans la thèse darwiniste et surtout néo-darwiniste des variations accidentelles insensibles, ni dans l’hypothèse des variations accidentelles brusques, ni même dans la théorie qui assigne des directions définies à l’évolution des divers organes par une espèce de composition mécanique entre les forces extérieures et des forces internes. Arrivons donc à la seule des formes actuelles de l’évolutionisme dont il nous reste encore à parler, le néo-lamarckisme.

On sait que Lamarck attribuait à l’être vivant la faculté de varier par suite de l’usage ou du non-usage de ses organes, et aussi de transmettre la variation ainsi acquise à ses descendants. C’est à une doctrine du même genre que se rallient aujourd’hui un certain nombre de biologistes. La variation qui aboutit à produire une espèce nouvelle ne serait pas une variation accidentelle inhérente au germe lui-même. Elle ne serait pas non plus réglée par un déterminisme sui generis, qui développerait des caractères déterminés dans un sens déterminé, indépendamment de tout souci d’utilité. Elle naîtrait de l’effort même de l’être vivant pour s’adapter aux conditions où il doit vivre. Cet effort pourrait d’ailleurs n’être que l’exercice mécanique de certains organes, mécaniquement provoqué par la pression des circonstances extérieures. Mais il pourrait aussi impliquer conscience et volonté, et c’est dans ce dernier sens que paraît l’entendre un des repré-