Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rence la caractéristique de l’effort intellectuel ? Puisqu’il faudra toujours finir par reconnaître cette différence, pourquoi ne pas commencer par là ? Et si le mouvement intérieur des éléments de la représentation rend compte, dans l’effort intellectuel, et de ce que l’effort a de laborieux et de ce qu’il a d’efficace, comment ne pas voir dans ce mouvement l’essence même de l’effort intellectuel ?

Dira-t-on que nous postulons ainsi la dualité du schéma et de l’image, en même temps qu’une action de l’un de ces éléments sur l’autre ?

Mais, d’abord, le schéma dont nous parlons n’a rien de mystérieux ni même d’hypothétique ; il n’a rien non plus qui puisse choquer les tendances d’une psychologie habituée, sinon à résoudre toutes nos représentations en images, du moins à définir toute représentation par rapport à des images, réelles ou possibles. C’est bien en fonction d’images réelles ou possibles que se définit le schéma mental, tel que nous l’envisageons dans toute cette étude. Il consiste en une attente d’images, en une attitude intellectuelle destinée tantôt à préparer l’arrivée d’une certaine image précise, comme dans le cas de la mémoire, tantôt à organiser un jeu plus ou moins prolongé entre les images capables de venir s’y insérer, comme dans le cas de l’imagination créatrice. Il est, à l’état ouvert, ce que l’image est à l’état fermé. Il présente en termes de devenir, dynamiquement, ce que les images nous donnent comme du tout fait, à l’état statique. Présent et agissant dans le travail d’évocation des images, il s’efface et disparaît derrière les images une fois évoquées, ayant accompli son œuvre. L’image aux contours arrêtés dessine ce qui a été. Une intelligence qui n’opérerait que sur des images