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sentation simple, développable en images multiples, un nom qui la fasse reconnaître : nous dirons, en faisant appel au grec, que c’est un schéma dynamique. Nous entendons par là que cette représentation contient moins les images elles-mêmes que l’indication de ce qu’il faut faire pour les reconstituer. Ce n’est pas un extrait des images, obtenu en appauvrissant chacune d’elles : on ne comprendrait pas alors que le schéma nous permît, dans bien des cas, de retrouver les images intégralement. Ce n’est pas non plus, ou du moins ce n’est pas seulement, la représentation abstraite de ce que signifie l’ensemble des images. Sans doute l’idée de la signification y tient une large place ; mais, outre qu’il est difficile de dire ce que devient cette idée de la signification des images quand on la détache complètement des images elles-mêmes, il est clair que la même signification logique peut appartenir à des séries d’images toutes différentes et qu’elle ne suffirait pas, par conséquent, à nous faire retenir et reconstituer telle série d’images déterminée à l’exclusion des autres. Le schéma est quelque chose de malaisé à définir, mais dont chacun de nous a le sentiment, et dont on comprendra la nature si l’on compare entre elles les diverses espèces de mémoires, surtout les mémoires techniques ou professionnelles. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail. Nous dirons cependant quelques mots d’une mémoire qui a été, dans ces dernières années, l’objet d’une étude particulièrement attentive et pénétrante, la mémoire des joueurs d’échecs[1].

On sait que certains joueurs d’échecs sont capables de

  1. Binet, Psychologie des grands calculateurs et joueurs d’échecs, Paris, 1894.