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venson nous apprend que ses contes les plus originaux ont été composés ou tout au moins esquissés en rêve. Mais lisez attentivement le chapitre : vous verrez que l’auteur a connu, pendant une certaine partie de sa vie, un état psychologique où il lui était difficile de savoir s’il dormait ou s’il veillait. Je crois, en effet, que lorsque l’esprit crée, lorsqu’il donne l’effort que réclame la composition d’une œuvre ou la solution d’un problème, il n’y a pas sommeil ; — du moins la partie de l’esprit qui travaille n’est-elle pas la même que celle qui rêve ; celle-là poursuit, dans le subconscient, une recherche qui reste sans influence sur le rêve et qui ne se manifeste qu’au réveil. Quant au rêve lui-même, il n’est guère qu’une résurrection du passé. Mais c’est un passé que nous pouvons ne pas reconnaître. Souvent il s’agit d’un détail oublié, d’un souvenir qui paraissait aboli et qui se dissimulait en réalité dans les profondeurs de la mémoire. Souvent aussi l’image évoquée est celle d’un objet ou d’un fait perçu distraitement, presque inconsciemment, pendant la veille. Surtout, il y a des fragments de souvenirs brisés que la mémoire ramasse çà et là, et qu’elle présente à la conscience du dormeur sous une forme incohérente. Devant cet assemblage dépourvu de sens, l’intelligence (qui continue à raisonner, quoi qu’on en ait dit) cherche une signification ; elle attribue l’incohérence à des lacunes qu’elle comble en évoquant d’autres souvenirs, lesquels, se présentant souvent dans le même désordre, appellent à leur tour une explication nouvelle, et ainsi de suite indéfiniment. Mais je n’insisterai pas là-dessus pour le moment. Qu’il me suffise de dire, pour répondre à la question posée tout à l’heure, que la puissance informa-