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de déplacement. Tandis que Morus parlait en métaphysicien, Descartes marquait avec une précision définitive le point de vue de la science. Il allait même bien au delà de la science de son temps, au delà de la mécanique newtonienne, au delà de la nôtre, formulant un principe dont il était réservé à Einstein de donner la démonstration.

Car c’est un fait remarquable que la relativité radicale du mouvement, postulée par Descartes, n’ait pu être affirmée catégoriquement par la science moderne. La science, telle qu’on l’entend depuis Galilée, souhaitait sans doute que le mouvement fût relatif. Volontiers elle le déclarait tel. Mais c’était mollement et incomplètement qu’elle le traitait en conséquence. Il y avait à cela deux raisons. D’abord, la science ne heurte le sens commun que dans la mesure du strict nécessaire. Or, si tout mouvement rectiligne et non accéléré est évidemment relatif, si donc, aux yeux de la science, la voie est aussi bien en mouvement par rapport au train que le train par rapport à la voie, le savant n’en dira pas moins que la voie est immobile ; il parlera comme tout le monde quand il n’aura pas intérêt à s’exprimer autrement. Mais là n’est pas l’essentiel. La raison pour laquelle la science n’a jamais insisté sur la relativité radicale du mouvement uniforme est qu’elle se sentait incapable d’étendre cette relativité au mouvement accéléré :