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lui-même, lorsqu’il le perçoit sans doute encore du dehors comme tous les autres mouvements, mais le saisit en outre du dedans comme un effort, dont la trace seule était visible. Seulement, le métaphysicien n’obtient cette perception directe, intérieure et sûre, que pour les mouvements qu’il accomplit lui-même. De ceux-là seulement il peut garantir que ce sont des actes réels, des mouvements absolus. Déjà pour les mouvements accomplis par les autres êtres vivants, ce n’est pas en vertu d’une perception directe, c’est par sympathie, c’est pour des raisons d’analogie qu’il les érigera en réalités indépendantes. Et des mouvements de la matière en général il ne pourra rien dire, sinon qu’il y a vraisemblablement des changements internes, analogues ou non à des efforts, qui s’accomplissent on ne sait où et qui se traduisent à nos yeux, comme nos propres actes, par des déplacements réciproques de corps dans l’espace. Nous n’avons donc pas à tenir compte du mouvement absolu dans la construction de la science : nous ne savons qu’exceptionnellement où il se produit, et, même alors, la science n’en aurait que faire, car il n’est pas mesurable et la science a pour fonction de mesurer. La science ne peut et ne doit retenir de la réalité que ce qui est étalé dans l’espace, homogène, mesurable, visuel. Le mouvement qu’elle étudie est dune toujours relatif et ne peut consister que dans une réciprocité