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DILATATION DU TEMPS.

un voyageur qui se déplace sur le pont du bateau dans la direction du mouvement avec la vitesse n’a pas, aux yeux du spectateur immobile sur la rive, la vitesse , ainsi qu’on le disait jusqu’à présent, mais une vitesse inférieure à la somme des deux vitesses composantes. Du moins est-ce ainsi que les choses apparaissent d’abord. En réalité, la vitesse résultante est bien la somme des deux vitesses composantes, si la vitesse du voyageur sur le bateau est mesurée de la rive, comme la vitesse du bateau lui-même. Mesurée du bateau, la vitesse du voyageur est , si l’on appelle par exemple la longueur que le voyageur trouve au bateau (longueur pour lui invariable, puisque le bateau est toujours pour lui au repos) et le temps qu’il met à la parcourir, c’est-à-dire la différence entre les heures que marquent à son départ et à son arrivée deux horloges placées respectivement à la poupe et à la proue (nous supposons un bateau immensément long dont les horloges n’auraient pu être accordées entre elles que par des signaux transmis à distance). Mais, pour le spectateur immobile sur la rive, le bateau s’est contracté quand il a passé du repos au mouvement, le Temps s’y est dilaté, les horloges n’y sont plus d’accord. L’espace parcouru à ses yeux par le voyageur sur le bateau n’est donc plus (si était la longueur de quai avec laquelle coïncidait le bateau immobile), mais