Page:Bergson - Durée et simultanéité.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
DILATATION DU TEMPS.

si aucune de mes longueurs ne s’était rétrécie, comme si mon Temps ne s’était pas dilaté, comme si mes horloges étaient d’accord. Voilà du moins pour ce qui concerne la matière pondérable, celle que j’entraîne avec moi dans le mouvement de mon système : des changements profonds se sont accomplis dans les relations temporelles et spatiales que ses parties entretiennent entre elles, mais je ne m’en aperçois pas et je n’ai pas à m’en apercevoir.

Maintenant, je dois ajouter que je tiens ces changements pour bienfaisants. Quittons en effet la matière pondérable. Quelle ne serait pas ma situation vis-à-vis de la lumière, et plus généralement des faits électro-magnétiques, si mes dimensions d’espace et de temps étaient restées ce qu’elles étaient ! Ces événements ne sont pas entraînés, eux, dans le mouvement de mon système. Des ondes lumineuses, des perturbations électro-magnétiques ont beau prendre naissance dans un système mobile : l’expérience prouve qu’elles n’en adoptent pas le mouvement. Mon système mobile les dépose en passant, pour ainsi dire, dans l’éther immobile, qui dès lors se charge d’elles. Même, si l’éther n’existait pas, on l’inventerait pour symboliser ce fait expérimentalement constaté, l’indépendance de la vitesse de la lumière par rapport au mouvement de la source qui l’a émise. Or, dans cet éther, devant ces faits optiques, au milieu de ces événements