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la fois), en chacun d’eux il trouvera et vivra le même Temps réel , attribuant alors successivement au système les Temps simplement représentés , , etc. C’est dire que la secousse du voyageur n’introduit aucune dissymétrie[1]. Du point de vue où nous devons nous placer, elle se résout en manifestations parfaitement réciproques intéressant les systèmes invariables, et même ponctuels, auxquels nous avons affaire. Le point de vue où nous devons nous placer est en effet celui de la mesure du temps dans la théorie de la Relativité, et les horloges dont parle cette théorie peuvent évidemment être assimilées à de simples points matériels, puisque leurs dimensions n’entrent jamais en ligne de compte : ce sont donc bien de

  1. Ici comme ailleurs, il faut se rappeler que la science ne retient et ne doit retenir du mouvement que son aspect visuel. La théorie de la Relativité exige avant tout, comme nous l’avons montré (pages 35 et suiv.), qu’on applique ce principe avec la dernière rigueur. C’est ce qu’on oublie parfois quand on parle de la secousse ressentie par le voyageur dans le train. Quiconque veut penser en termes de Relativité doit commencer par éliminer le tactile, ou par le transposer en visuel. Si l’on résout la secousse en ses éléments visuels, et si l’on tient présent à l’esprit le sens du mot « système », la réciprocité de l’accélération redevient évidente. Il faut d’ailleurs toujours rester en garde contre la tentation de se placer par la pensée, en même temps, dans les systèmes , , etc. C’est ce qu’on fait quand on parle de la secousse — même réduite à ce qu’on en voit — comme d’un fait unique. Il faut distinguer, en effet, entre le point de vue de la perception et celui de la science. La perception embrasse sans doute , , etc. tous à la fois. Mais le physicien ne peut pas les adopter, tous ensemble, pour système de référence : il choisit nécessairement l’un d’eux, les prenant tour à tour.