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du point de vue de la théorie de la Relativité, il n’y a plus de mouvement absolu, ni d’immobilité absolue. La première des deux phases que nous venons de décrire deviendra donc simplement un écart croissant entre Pierre et Paul, et la seconde un écart décroissant. Nous pourrons par conséquent dire, à volonté, que Paul s’éloigne et puis se rapproche de Pierre, ou que Pierre s’éloigne et puis se rapproche de Paul. Si je suis avec Pierre, lequel s’adopte lui-même comme système de référence, c’est Pierre qui est immobile et j’interprète l’élargissement graduel de l’écart en disant que le boulet quitte le canon, le rétrécissement graduel en disant que le boulet y revient. Si je suis avec Paul, s’adoptant lui-même alors comme système de référence, j’interprète élargissement et rétrécissement en disant que c’est Pierre, avec le canon et la Terre, qui quitte Paul et qui revient ensuite à Paul. La symétrie est parfaite[1] : nous avons affaire, en somme, à deux systèmes et que rien ne nous empêche de supposer identiques ; et l’on voit que la situation de Pierre et celle de Paul, se prenant respectivement chacun pour système de référence et par là même s’immobilisant, sont interchangeables.

  1. Elle est parfaite, nous le répétons, entre Pierre référant et Paul référant, comme entre Pierre référé et Paul référé. Le rebroussement de chemin de Paul ne fait rien à l’affaire, puisque c’est aussi bien Pierre qui rebrousse chemin si Paul est référant. Nous montrerons d’ailleurs directement, dans les deux appendices suivants, la réciprocité de l’accélération.