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une importante distinction à faire. Sans doute le théoricien de la Relativité entend donner aux lois de la nature une expression qui conserve sa forme, à quelque système de référence qu’on rapporte les événements. Mais cela veut simplement dire que, se plaçant à un point de vue déterminé comme tout physicien, adoptant nécessairement un système de référence déterminé et notant ainsi des grandeurs déterminées, il établira entre ces grandeurs des relations qui devront se conserver, invariantes, entre les grandeurs nouvelles qu’on trouvera si l’on adopte un nouveau système de référence. C’est justement parce que sa méthode de recherche et ses procédés de notation l’assurent d’une équivalence entre toutes les représentations de l’univers prises de tous les points de vue qu’il a le droit absolu (mal assuré à l’ancienne physique) de s’en tenir à son point de vue personnel et de tout rapporter à son unique système de référence. Mais à ce système de référence il est bien obligé de s’attacher généralement[1]. A ce système devra donc s’attacher aussi le philosophe quand il voudra distinguer le réel du fictif. Est réel ce qui est mesuré par le physicien réel, fictif ce qui est représenté dans la pensée du

  1. Dans son charmant petit livre sur la théorie de la Relativité (The general Principle of Relativity, London, 1920), H. Wildon Carr soutient que cette théorie implique une conception idéaliste de l’univers. Nous n’irions pas aussi loin ; mais c’est bien dans la direction idéaliste, croyons-nous, qu’il faudrait orienter cette physique si l’on voulait l’ériger en philosophie.