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personnage quand nous sommes à côté de lui, quand nous pouvons le toucher et porter le long de son corps une règle destinée à la mesure. Étant près de Jean, le mesurant si je veux et me proposant de le peindre en grandeur naturelle, je lui donne sa dimension réelle ; et, en représentant Jacques comme un nain, j’exprime simplement l’impossibilité où je suis de le toucher, — même, s’il est permis de parler ainsi, le degré de cette impossibilité : le degré d’impossibilité est justement ce qu’on appelle distance, et c’est de la distance que tient compte la perspective. De même, à l’intérieur du système où je suis, et que j’immobilise par la pensée en le prenant pour système de référence, je mesure directement un temps qui est le mien et celui de mon système ; c’est cette mesure que j’inscris dans ma représentation de l’univers pour tout ce qui concerne mon système. Mais, en immobilisant mon système, j’ai mobilisé les autres, et je les ai mobilisés diversement. Ils ont acquis des vitesses différentes. Plus leur vitesse est grande, plus elle est éloignée de mon immobilité. C’est cette plus ou moins grande distance de leur vitesse à ma vitesse nulle que j’exprime dans ma représentation mathématique des autres systèmes quand je leur compte des Temps plus ou moins lents, d’ailleurs tous plus lents que le mien, de même que c’est la plus ou moins grande distance entre Jacques et moi que j’exprime en réduisant plus ou moins sa taille. La