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Dalila sur une question si gaiement résolue par Panurge. Docile aux mœurs de son temps comme aux usages de son pays, Frans Hals s’était donc marié. Il avait même contracté cette union assez jeune, M. Vosmaer dit vers 1610, c’est-à-dire à vingt-six ans. Anneke était d’une famille patricienne dans laquelle les peintres étaient fort bien vus, puisque trois autres de ses sœurs épousèrent, elles aussi, des artistes de Harlem. Jan de Bray, qui a au musée d’Amsterdam un si remarquable tableau de corporation, était beau-frère de Frans Hals. Fort prudemment élevée par un père grave, qui était conseiller, la jeune femme ne put sans doute s’habituer au genre de vie du grand bohème : elle rêvait pour lui d’autres fréquentations que celles des joueurs de trictrac des tripots de Saint-Bavon et des modèles plus austères. Peut-être, sur la réputation de Frans, avait-elle cru s’unir à un artiste posé, officiel et pince-sans-rire, tel que le fut plus tard van der Helst, par exemple. Toujours est-il que la jeune patricienne ne put se faire aux jovialités d’un époux qui prenait la vie pour une kermesse. Des nuages assombrirent cet intérieur : aucun enfant ne vint distendre des rapports mal noués, et Frans en resta pour sa tentative de sagesse et d’amendement. Il alla reprendre son verre et sa guitare au bon cabaret de la Pipe bâtarde.

Un jour, l’histoire en a gardé la date, le 20 février 1616, maître Frans Hals était cité à comparaître devant les magistrats de Harlem sous la prévention d’avoir bel et bien « rossé» sa femme. Dûment convaincu du méfait, dont il convint d’ailleurs, il fut condamné… à ne plus recommencer. On exigea le