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loppe. Tu es prévenu, et tu verras si tu dois me recevoir et me cacher contre un portant ou dans une loge noire. »

Je lui avais répondu :

« Viens en plein jour, tu es Jules Vallès. Je t’assoirai au milieu de l’orchestre, et je te présenterai à Bourdon, qui est un censeur pour rire et un aimable citoyen. Il ne te fera fusiller qu’à la prochaine.

« É. B. »

Le premier visage avenant qui m’avait souri sur le plateau était celui de l’abbé d’Argeville, incarné par Porel. Ceinturé de moire et colleté du rabat, il ressemblait plus à un aigle de Meaux ou à un cygne de Cambrai qu’au curé de bourgade de la pièce.

— Courage, me jeta-t-il, vous en aurez besoin.

— Mais… je crois en Dieu, lui dis-je sur le ton élevé de Polyeucte.

Survint Adolphe Dupuis. Il se tenait à peine debout. La veille, en essayant une paire de bottes neuves, il s’était flanqué un tour de reins tel qu’il avait s’aliter. Le médecin ne lui avait pas caché du reste qu’il lui fallait huit jours de repos pour qu’il fût en état de monter en scène. Mais il n’avait rien voulu entendre. — Nous avons tout Paris contre nous, me voici. Je me suis fait masser jusqu’au sang, comme Marsyas, ça ira. Je les aime moi, les batailles. D’ailleurs on vous déteste trop, cela me rassure sur l’ouvrage.

— Oui, corroborait La Rounat, l’inimitié déborde déjà jusque sur la deuxième.