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qu’on opère, par prophylaxie, avant la bataille. J’avais apporté sous mon manteau une magnifique paire de ciseaux de rédaction que j’avais posée sur la guérite du souffleur. On n’avait qu’à les prendre pour collaborer.

Quelquefois le bon Valnay, le régisseur, me tirait dans un petit coin et m’adjurait de me défendre. — Je l’aimais moi, votre pièce, me disait-il, j’ai pleuré à la lecture. Ah ! nom de Dieu ! Je ne devrais pas vous le dire, mais vous vous laissez égorger. Vous n’en avez donc pas, de… !

Je résolus d’en exhiber, car leur nom vient de « testis » en somme et il veut dire témoignage. Valnay avait raison, que diable ! Il ne serait pas dit qu’il n’y aurait rien de moi dans une œuvre affichée sous ma signature. Le lendemain, pâle d’énergie, j’apportai à mon tour à la répétition un béquet de mon encre et, je le tendis, déployé, à La Rounat. Il le prit sans le lire et le passa à son associé qui me le rendit illico, replié, avec un sourire. Je le donnai donc à Valnay, comme un tzar donne un ukase. — Oh ! Oh ! de la violence ? s’écria La Rounat, et il s’en fut dans son cabinet, où je le suivis de pied ferme. — Je n’ai rien à vous dire, reprit-il, vous voulez tuer votre ouvrage, tuez-le, je m’en lave les mains. Mais je vous en avertis, demain j’en mets un autre à l’étude. On n’a pas le temps, à l’Odéon, de refaire les pièces en scène ! Et je retirai mon béquet, que Valnay voulut bien accepter comme autographe. — Ils seront rares, ricana-t-il, ceux de Le Nom du moins.

L’avant-veille de la générale, exactement le premier février, d’après mes notes, je fus convoqué à