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d’un seul coup il boutait sur le bon barde. L’auteur de La Chanson des Gueux, s’il n’était pas encore maître de toute sa renommée éclatante, marchait à elle déjà par grandes enjambées, lancé d’ailleurs par cette excellente Justice, dont le sens du vrai talent est immortellement infaillible. Entre-temps Richepin collaborait au Voltaire, car il faut bien le dire, toute l’élite des Lettres y collaborait, à ce diable de Voltaire, et ce fou de Jules Laffitte a mené là trois ou quatre ans la ronde des Muses.

À sa prière donc, le touranien lui avait improvisé sur un coin de table l’hymne demandé par la France, lasse d’admirer tout le temps le haut-relief de Rude. Il avait adopté pour thème la distribution des nouveaux drapeaux qui devait être, elle aussi, le clou de la fête publique et il l’avait traité avec cette verbalité sonore qui lui est propre. Ses vers chantaient tout seuls.

Aux champs pleins de joyeux échos
Flambent les vives étincelles
Des bluets, des coquelicots,
Des papillons aux blanches ailes.
Ces fleurs des blés, ces papillons
Que la nature fait éclore
Semblent dans les rangs des sillons
Planter le drapeau tricolore.

Comme le poète n’a pas recueilli l’ode dans son œuvre, je ne m’accorde pas le droit d’en publier moi-même les cinq couplets et je laisse aux « curieux » le plaisir de la retrouver dans les collections du Voltaire.

Rien de plus lyrique, que d’associer le travail éternel de la Nature à la glorification de la République,