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certainement un singe qui les habille. On leur mettrait dessous des orgues de Barbarie. Il y en a une costumée en mi-partie, bleue sur le devant et rouge sur le derrière, qui est très entourée. On se l’arrache ; elle paraît jouir d’une autorité critique assez considérable. Si elle est contente des copies, elle se tourne du côté bleu, et si elle ne l’est pas du côté rouge. Pépé dixit. Du reste, tous les chevalets de ces vierges sont dressés autour des « Têtes d’Anges » de Reynolds. Les « Têtes d’Anges » de Reynolds sont à la Nationale ce que « La Cruche Cassée » est au Louvre. Pas une chaumière des Trois Royaumes qui n’en ait une reproduction, à l’huile, au pastel, à l’aquarelle, à la sanguine, aux deux crayons. Le commerce des « Têtes d’Anges » est immense. Les nymphes de la Diane mi-partie n’y suffisent pas. Elles en font en chambre, de mémoire, sans se marier, jusqu’à soixante ans et davantage, mortes encore peut-être.

Et voici le redoutable Hogarth et sa salle. C’est ici qu’il prêche. Devant la série aux douze stations de son Mariage à la mode, des familles de quakers s’alignent, serrées sur des banquettes, et, quatre heures durant, contemplent cet art évangélique atroce. Je comprends que de Nittis l’ai trouvée mauvaise d’être rapproché par Leighton, même par blague, de ce savetier de la peinture.

Vite à Turner. Nous n’avons rien de lui au Louvre, et partout ailleurs il est si rare que je n’ai pas encore vu un seul de ses ouvrages. Il paraît qu’il a renom de fou chez les experts. Fou, il l’est, mais quel fou ! Sa salle à la Nationale est un flamboiement de coloris, ou plutôt un jardin enchanté aux fleurs magiques. Il tiendrait tête, lui, j’en réponds,