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Le bureau de Gambetta, au Palais-Bourbon, était situé au premier étage, au bout d’un couloir assez étroit, décoré de toiles que nous n’avions pas regardées. C’était une chambre d’étudiant, mais d’étudiant pauvre et bûchant pour ses inscriptions. En sus de la table où s’empilaient registres, livres de droit et serviettes d’avocat, il n’y avait que trois chaises cannelées dont l’une servait de siège à l’orateur, et, à l’angle de la cheminée, une mappemonde montée sur pivot et qui devait valoir six ou huit francs chez le papetier. Rien d’autre. Il est vrai que la fenêtre donnait sur le jardin. Le peintre espagnol, accoutumé au faste dont les hommes publics sont entourés dans son pays, ne dissimulait pas sa surprise.

— C’est un comble, me glissa-t-il à l’oreille.

— C’en est même plusieurs, fis-je, de « combles » moins la gouttière et le pot de réséda.

— Vous vous étonnez, releva Gambetta, de ne pas voir d’objets d’art dans un palais habité si longtemps par le duc de Morny ? Eh bien ! tenez, pendant que je causerai avec Georges Charpentier, allez regarder dans le couloir les tableaux qu’il y a laissés, et vous m’en direz votre sentiment. Ah ! quel goût il avait ce grand seigneur de pacotille que Daudet a monté en épingle ! Il y a là des marines de Gudin qui ne sont pas à prendre avec des pincettes.

Il était certain, qu’en fait de croûtes, on n’en pouvait pas imaginer de pâte plus mauvaise que celles oubliées par le fameux amateur dans cette galerie. Peut-être y sont-elles encore, et ont-elles ajouté à la morosité nationale de M. Henri Brisson. Elles justifiaient la colère méprisante du président contre son prédécesseur et aussi le chagrin qu’éprouvait Daniel