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partis s’en rejettent encore la sinistre responsabilité devant l’histoire. Rien jusqu’à présent n’est venu en charger l’un et décharger l’autre. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils ne s’allumèrent pas tout seuls et que les pétroleuses de 1871 ne sont pas plus une blague que les tricoteuses de l’échafaud en 1793. Du 21 au 28 mai, laps de la « Semaine sanglante », le prix du bidon d’essence minérale monta fortement chez les débitants, et si l’on étudie un peu sur une carte de la ville la marche successive et graduelle de l’embrasement, d’un monument à l’autre, vers le centre, on est bien forcé d’y suivre le plan méthodique d’une défense stratégique dont l’Érostrate ne s’est pas fait connaître.

Peu de communards ont revendiqué, le front haut, l’honneur affreux de la torche guerrière, dont la philosophie invasionnaire des fils de Kant et d’Hegel n’a pas encore eu le temps de rougir. Le seul peut-être qui l’ait signée, et de sa mort, est cet incompréhensible Raoul Rigault, Fouquier-Tinville plus crâne que son modèle, qui non seulement fit, sous ses yeux, à la Croix-Rouge, porter la flamme dans plusieurs maisons « bourgeoises », mais encore se vanta délibérément de l’avoir fait devant l’officier qui le fusillait comme un chien enragé. Qui sondera les cœurs et les reins des hommes ? dit l’Écriture, et qui expliquera pourquoi ce loustic, dépourvu de tout sens moral, fut le seul caractère peut-être, logique au moins, de cette tragi-comédie ?

J’en ai pourtant, mais bien des années après, connu un autre qui ne répudiait rien, « absolument rien » des gens et des faits de l’insurrection. C’était un artiste, un grand artiste même, Auguste Lançon,