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tines à la miche, taillait ses rosiers et débourrait sa pipe. Seule y restait en blanc la place où écrire le nom du légataire universel.

Le vieux paysan passait pour être fort riche, et, loin de s’en défendre, il se vantait volontiers de cet avantage, ce qui est rare dans les campagnes, et en Bretagne plus qu’ailleurs. Au moindre doute sur ce sujet, il s’en allait chercher son testament dans le bahut où il le serrait sous son linge, et il vous lisait des passages :

Item : un champ de soixante acres….

Item : deux fermes louées à bail sur vingt-cinq années….

Item : une maison bourgeoise sise à Dinan, dans la haute ville….

Item : le moulin dit de la Jeannée….

Et ainsi de suite. Puis, là-dessus, un petit hoquet de gorge qui était son rire propre de philosophe. A qui cette fortune devait-elle échoir ? On ne savait, car huit jours avant son décès, la place du nom était encore en blanc, vous dis-je, et le fait est incontestable.

Si Legoaz (Yvon-Conan) ne s’était jamais marié, c’est, disait-on, qu’il avait, en son jeune temps, perdu sa bonne fiancée et lui avait juré, au lit de mort, de rester toujours veuf « d’elle ».