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de hautes convenances l’exigeaient. Mais, pour vivre obscurément, il ne cachait point sa vie, bien au contraire. Il connaissait l’apophthegme indou : « Si tu veux vivre inaperçu, prends une maison de verre. » Il avait la maison de verre. Cependant il y demeurait rarement, et au premier rayon de bon soleil il se mettait en route, persuadé que malgré ses cinquante-quatre ans il ne connaissait point la nature qu’il voyait tous les jours. Il pensait l’inverse sur les hommes. Ah ! quel original c’était, que M. de Frileuse !

M. de Frileuse avait un ami, un seul, mais il était bon !… A ce mot : Turc ! cet ami accourait, et c’étaient des caresses sans fin comme sans prétexte, pour le simple plaisir. Notez que vous n’accueillez pas un frère absent depuis vingt années avec autant de transports que le chevalier ne recevait son ami chaque matin, après une seule nuit d’absence passée par Turc sur le paillasson.

— Je trouve en Turc, disait le chevalier, une supériorité évidente sur tous les amis de la race pensante et parlante : c’est que Turc pense sans parler, et que l’homme parle sans penser. Il résulte de cette qualité que Turc ne peut révéler à personne le plus ou moins de mal qu’il pense de moi, et que vivant à la source même