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La Cleopatre

Vous voyez, ô Ceſar ! Une Reine à vos piez
Qui vid devant les ſiens des Rois humiliez,
Qui fit par le pouvoir d’une beauté fatale
1310Qu’Antoine eut ſa maiſtreſſe, & Rome ſa rivale,
Et qui deſſus un thrône élevé juſqu’aux Cieux,
Pour voir les plus grands Rois baiſſa toujours les yeux :
Le Ciel ſoûmet la meſme aux droicts d’une victoire,
Parce que vous foulez jugez de voſtre gloire,
1315Soyez content, ſongez remerciant les dieux
Que vous ſeriez cruel eſtant plus glorieux.

Cesar la relevant.

Si vous ne ſçaviez pas de quelle douceur j’uſe
Vers ceux que je ſurmonte, & que la guerre abuſe,
Et ſi de mon coſté j’ignorois de quel front
1320Vous recevez les coups que les malheurs vous font,
Si voſtre eſprit plus grand que le mal qui l’outrage,
Ignoroit ma clemence, & moy voſtre courage,
Je vous croirois ſoumise à de plus rudes lois,
Mais vous me cognoiſſez, comme je vous cognois.
1325N’eſperez pas qu’icy ma bouche vous conſole,
La mort que vous plaignez m’interdit la parole,
Tout le monde en commun pleure Antoine au cercueil,
Son trépas comme vous met la victoire en deuil.