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où nous avions eu la malencontreuse idée de nous engager le matin. Un véritable torrent s’en écoulait déjà avec fracas.

Jamais je n’ai mieux apprécié l’incomparable sûreté des chameaux à gravir les endroits les plus abrupts. Se raidissant, distendant leurs immenses jambes, s’arc-boutant parmi les roches qui commençaient à se desceller, les nôtres firent en cette minute ce que n’auraient peut-être pas réussi des mulets pyrénéens.

Au bout de quelques instants d’efforts surhumains, nous nous trouvâmes enfin hors de danger, sur une espèce de terrasse basaltique qui dominait d’une cinquantaine de mètres le couloir de l’oued où nous avions failli rester. Le hasard avait bien fait les choses : une petite grotte s’ouvrait derrière nous. Bou-Djema réussit à y abriter les chameaux. De son seuil, nous eûmes le loisir de contempler en silence le prodigieux spectacle qui s’offrait à notre regard.

Tu as, je pense, assisté, au camp de Chalons, aux tirs d’artillerie. Tu as vu, sous l’éclatement des percutants, cette terre de craie de la Marne entrer en effervescence, comme les encriers où, au lycée, nous jetions un morceau de carbure de calcium. Cela s’enfle, monte, bouillonne, parmi le vacarme des obus qui éclatent. Eh bien, ce fut à peu près ainsi, mais au milieu du désert, mais au milieu de l’obscurité. Les eaux se précipitaient, blanches, au fond de ce trou noir, montaient, montaient vers notre socle. Et c’était, sans