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« L’ombre était déjà tombée quand la canonnière réparée sortit de son anse. Les Français, au milieu desquels je voyais mon ami, nous saluèrent longtemps en agitant leurs casques, tant que nous pûmes les apercevoir ; et, restée seule sur la jetée vacillante, je demeurai ainsi, à regarder couler le fleuve, jusqu’au moment où le bruit du vaisseau de fumée, baoum-baraboum, se fut évanoui dans la nuit[1].

Tanit-Zerga fit une pause.

— Cette nuit-là fut la dernière de Gâo. Comme je dormais et que la lune était encore haute sur la forêt, un chien cria, mais pas longtemps. Puis ce furent des hurlements d’hommes, puis de femmes, des cris, vois-tu, qu’on ne peut plus jamais oublier quand on les a entendus une fois. Lorsque le soleil se leva, il me trouva, toute nue, avec mes petites compagnes, courant, en trébuchant, vers le nord, à cause de la vitesse des chameaux montés par les Touareg qui nous escortaient. Derrière, les femmes de la tribu, dont ma mère, deux par deux, la fourche au cou, suivaient. Il n’y avait que peu d’hommes. Presque tous étaient restés, avec mon père, le brave Sonni-Azkia, égorgés sous les décombres de chaume de Gâo, de Gâo rasé une fois de plus par une bande d’Aoue-

  1. Cf. les comptes rendus et le Bulletin de la Société de Géographie de Paris (1897), pour les croisières sur le Niger du commandant de la région de Tombouctou, le colonel Joffre, des lieutenants Baudry et Bluset et du Père Hacquart, de la Congrégation des Pères Blancs. (Note de M. Leroux)