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Je le lui tendis. Il m’embrassa. La paix était faite.

« Pendant ce temps, sous la direction de mon père, les laptots et les hommes les plus forts de la tribu avaient halé la canonnière dans une anse du fleuve.

« — Il y en a pour toute la journée de demain, mon colonel, — dit le chef mécanicien qui revenait d’inspecter les avaries. — Nous ne pourrons repartir qu’après-demain matin. Et encore faudra-t-il que ces fainéants de laptots ne boudent pas à la tâche.

« — Quelle scie ! — grommela mon nouvel ami.

« Mais son humeur ne resta pas longtemps mauvaise, tant je mis avec mes petites compagnes d’ardeur à le distraire. Il écouta nos plus belles chansons, et, pour nous remercier, nous fit goûter aux très bonnes choses qu’on avait descendues du bateau pour son dîner. Il dormit dans notre grande case, que mon père lui avait cédée, et moi, très longtemps, à travers les branches des murs de la case où je m’étais retirée avec ma mère, je vis, avant de m’endormir, le fanal de la canonnière trembloter, en vrilles rouges, à la surface des îlots assombris.

« Cette nuit, je fis un rêve effrayant. Je vis mon ami, l’officier français, sommeillant en paix, tandis qu’un grand corbeau planait au-dessus de sa tête en croassant : crââ, crââ, l’ombre des gommiers de Gâo — crââ, crââ, ne vaudra rien la nuit prochaine — crââ, crââ, au chef blanc, ni à son escorte.