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« — Eh bien, mon cher comte, puisse votre prédiction se réaliser, et j’espère que vous voudrez bien ne pas négliger les Tuileries, — fit en souriant l’invité à la redingote bleue.

« Et il ajouta, consentant enfin à se présenter :

« — Prince Louis-Napoléon Bonaparte.


« Je n’ai joué aucun rôle actif dans le coup d’État, et je ne le regrette point. Mon principe est qu’un étranger ne doit pas s’immiscer dans les tumultes intérieurs d’un pays. Le prince comprit cette discrétion, et n’oublia pas le jeune homme qui lui avait été d’un si heureux augure.

« Je fus un des premiers qu’il appela à l’Élysée. Ma fortune fut définitivement assise par une note diffamatoire de Napoléon le Petit. L’an d’après, quand Mgr Sibour eut passé par là, j’étais fait gentilhomme de la chambre et l’Empereur poussait sa bonté jusqu’à me faire épouser la fille du maréchal Repeto, duc de Mondovi.

« Je n’ai aucun scrupule à proclamer que cette union ne fut pas ce qu’elle aurait dû être. La comtesse, âgée de dix ans de plus que moi, était revêche et pas particulièrement jolie. En outre, sa famille avait formellement exigé le régime dotal. Or, je n’avais plus à cette époque que mes vingt-cinq mille livres d’appointements comme gentilhomme de la chambre. Triste sort pour quelqu’un qui fréquentait le comte d’Orsay et le duc de Gramont-Caderousse. Sans la bienveillance de l’Empereur, comment eussé-je fait ?