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Marinette. — C’est lui. Est-il bête ! Entre donc.

Pierre. — Je peux ?

Suzanne, criant de la salle à manger. — Maman, veux-tu m’aider à remettre le grand cadre ? (Elle paraît et aperçoit Marinette.) Ah ! Marinette est là ?

Mme Hamelin, sortant avec elle. — Viens.


Scène VI

Un silence.

Pierre. — Elle t’a parlé ?

Marinette. — Oui.

Pierre. — De quoi ?

Marinette. — De toi. Elle m’a recommandé d’être aux petits soins et surtout de ne jamais te laisser seul, de peur d’un accident.

Elle rit. Un temps.

Pierre. — Heureuse nature, va !

Marinette. — Pourquoi ?

Pierre. — On est sûr de ne jamais te froisser. Tu te moques de ce qu’on te dit, et tu ris.

Marinette. — Voudrais-tu que je pleure ?

Pierre. — Non… Mais il n’est pas possible que tu aies toujours envie de rire sur des sujets qui ne sont pas autrement drôles.

Marinette. — Qu’est-ce que tu en sais ?

Pierre. — Je le sais. Il y a dans les familles, dans les ménages, une foule de petites questions à tirer au clair, qui sont capables, si on ne les prend pas exactement comme il faut, de ruiner les meilleures amitiés.

Marinette. — Brrr ! Tu es dans tes jours noirs !

Pierre, avec l’air du monsieur qui se prend soudain au sérieux. — Non. Il y a longtemps que j’aurais dû te dire ça… J’admire qu’on puisse être aussi insouciante et aussi inattentive.