Page:Benjamin - Le Pacha, paru dans Les Annales politiques et littéraires, 3 et 10 août 1924.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme Hamelin, accourant. — Suzanne, arrive ici, mon enfant. Dans la salle à manger, il y a encore des miettes d’hier soir ! Pierre, surveille ton feu, enlève la grille dans deux minutes, hein ?

Pierre. — Oui.

Mme Hamelin. — N’oublie pas ; je ne reviens pas voir ?

Pierre. — Non.

Mme Hamelin. — Alors, travaille. Nous te laissons.

Pierre. — Oui. (Seul.) Pauvre mère !… Dire qu’elle pourrait être tranquille dans un fauteuil, avec une broderie… ou un livre gai. (Il reprend son rapport.) « Vu le rapport du directeur des Domaines de la Seine, duquel il résulte que la requérante… » Je ne comprends absolument rien ! (Se tournant.) Et mon, feu n’est pas pris !

Mme Hamelin, ouvrant la porte, à Suzanne, à voix basse. — Prends la lampe…, là…, là-bas.

Suzanne. — Celle-là ?

Mme Hamelin. — Mais oui.

Pierre, très calme, se retournant. — J’aime autant que vous parliez tout haut. Ça me dérange encore moins. Sinon, je fais effort pour écouter… et…

Mme Hamelin. — Bon. Alors, puisque tu y tiens… Quelle heure est-il à ta montre ?

Pierre. — Dix heures et demie.

Mme Hamelin. — Juste ?

Pierre, regardant de nouveau. — Dix heures trente-deux minutes vingt-cinq secondes.

Mme Hamelin. — Merci. La pendule de la salle est arrêtée.

Pierre. — Laisse-la donc : au moins, on a l’heure exacte deux fois par jour. (Elle sort.