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plus… Et vous, les hommes, vous êtes les premiers à rester bouche bée devant leur nouveau genre !… Au fond, vous avez ce que vous méritez… Vous êtes même assez niais de venir vous plaindre…

Pierre. — Permets, ce n’est pas moi qui viens ; c’est toi…

Mme Hamelin. — Ah ! Et je ne suis pas fâchée d’être venue ! Je découvre des choses curieuses ! (Un temps, silence.) Tout ce qu’on voudra, ta sœur a été élevée autrement. Tu as une femme qui pourrait être charmante, que j’ai été la première à aimer beaucoup…

Pierre, souriant. — Merci de me laisser le numéro deux.

Mme Hamelin. — Elle est spirituelle, et, dans les heures agréables de la vie, d’une compagnie très divertissante. Mais c’est une maligne, bien de son siècle, qui veut avant tout la vie bonne. Malheureusement, tout n’est pas rose… Marinette n’a pas eu de mère pour le lui apprendre ; moi, je m’en charge.

Pierre, lui prenant les mains. — Et ainsi tu ne seras que la « belle-mère » !

Mme Hamelin. — Oh ! c’est ça qui m’est égal, mon pauvre petit ! J’ai le courage de dire ce que je pense. C’est ma façon d’aimer les gens.

Pierre. — Il faudrait les aimer… et garder le sens du ridicule.

Mme Hamelin. — Peuh ! Je serai ridicule cinq minutes avec éclat… pour ne pas l’être toute ma vie !… Toi, tu as peur de ta femme !

Pierre. — Je la connais. Si on lui fait de la morale, elle rira. Tiens, avant-hier, je lui dis : « Mon café au lait est toujours trop chaud. Préviens la bonne. » Hier, il était froid : j’en fais la remarque. Alors, ce matin, elle me le sert elle-même… avec un thermomètre dedans !

Mme Hamelin. — Elle se conduit comme une gamine de dix ans !