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crispe ces dames.

Marinette. — Alors, ce n’est pas le moment de monter les voir ?

Pierre. — À moins que vous ne vouliez pleurer avec elles. C’est très féminin, vous savez… C’est un spectacle courant que je vous offre là. L’homme seul, et la femme, ou les femmes s’arrachant les cheveux à côté… Vous en viendrez là aussi.

Marinette, souriante. — Ah !

Il reprend une seconde poire.

Pierre. — Oui… Ces poires sont une preuve de l’existence de Dieu.

Marinette. — Vous croyez en Dieu ?

Pierre. — Quand j’ai le temps. Ce soir, n’est-ce pas, il faut que je m’étouffe. Je prends un train !

Marinette. — Avez-vous quelque chose à finir ? Je vous aiderais.

Pierre. — Ah ! si vous voulez.

Marinette. — Alors ? Quoi ?

Pierre. — Mais… je ne sais pas.

Marinette. — Les malles sont terminées ?

Pierre. — Sans doute.

Marinette. — On peut mettre les courroies ?

Pierre. — Il y a des courroies ?

Marinette. — Ça avancera votre maman.

Pierre. — Soit… (Un temps.) Qu’est-ce que ça peut être, ces poires-là ? C’est du beurré, hein ?

Marinette, pendant qu’elle attache les courroies des malles, en riant. — Les bonnes poires, c’est toujours du beurré. Elles sont dures, vos courroies.

Pierre, la bouche pleine. — Oui. Pourquoi, pendant qu’on y est, ne cachette-t-on pas les malles ?

Marinette. — Les voilà toujours bouclées… Dites, je m’en vais, maintenant. Je vous trouverai au train.