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Suzanne. — Faut-il préparer sa poudre ?

Mme Hamelin, sèchement, — Non ! Mangeons ! Il bavarde, il s’amuse. Eh bien ! il fera ses affaires, et il dînera comme il pourra. (Bruit de cuillers plus précipité.) Sonne Marie. (Sonnette. Marie entre.) Marie, le jambon, les légumes, tout à la fois ! Sinon, vous n’aurez jamais le temps de laver vos assiettes, et nous raterons le train.

La Bonne, en sortant. — Oui, madame.

Silence.

Mme Hamelin, brusquement, à Suzanne. — Donne-moi un autre verre.

Suzanne. — Pour toi ?

Mme Hamelin. — Non, pour lui… Pour lui préparer sa poudre !… Il faut bien !… Ce qu’il m’horripile !… (Elle prépare la poudre. Pierre entre avec beaucoup de calme.) Déjà ? (Silence. Il furette sur la cheminée.) Ne te presse surtout pas. (Silence.) Je te préviens que ton potage est froid. (Silence.) Tu ne sais sans doute pas à quelle heure est le train ?

Pierre, très naturel. — Non.

Mme Hamelin, regardant sa fille. — Il va me faire pleurer !

Pierre. — Pourquoi ?… C’est vrai… je ne sais pas à quelle heure…

Suzanne, vivement. — Oh ! tais-toi !

Mme Hamelin. — Oh ! oui, tais-toi ! (Un temps assez long.) As-tu rencontré le cocher, par hasard ?

Pierre. — Le cocher ?

Mme Hamelin. — Oui, pour les malles !

Pierre. — Non.

Suzanne. — Tu en es sûr ?

Pierre. — Non…

Mme Hamelin. — Eh bien ! qu’est-ce que tu dis, alors ?

Pierre. — Mais je ne le connais pas, moi, le cocher !