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Marinette. — Je me moque de ce qui n’est pas sérieux. Qu’est-ce que nous disons de sérieux ?

Pierre, gravement. — Enfin, Marinette, je vais devenir votre mari.

Marinette, éclatant de rire. — Oh ! pas cet air ! Je croirais épouser Barbe-Bleue !

Pierre. — Et vous aimez mieux épouser un polichinelle ?

Marinette. — Ni l’un ni l’autre. Je vous épouse, vous.

Pierre. — Allons, ça c’est gentil… Ça n’a l’air de rien, mais c’est gentil.

Marinette, vivement, en riant. — Eh bien ! vous voyez, je ne l’ai pas fait exprès !

Pierre rit aussi. — Vous n’avez pas fini de me faire enrager…

Marinette. — Bah !… Le mari déteint sur la femme : au bout d’un quart d’heure de mariage, la femme est douce comme un agneau, aux ordres de monsieur…

Pierre. — Qui est-ce qui vous a raconté ça ?

Marinette. — Je l’ai lu dans des livres… spéciaux.

Pierre. — En tout cas, je ne serai pas un tyran bien farouche.

Marinette. — Tant mieux !

Pierre. — Vous aviez peur ?

Marinette. — Pas autrement.

Pierre, piqué. — Suzanne, sans doute, vous a fait de moi un portrait aimable.

Marinette. — Suzanne ! La pauvre ! Elle ne me parle jamais de vous !

Pierre. — C’est pis… Je sais ce que je représente pour elle… Le prince du sang, le monsieur qui a besoin d’une horde de valets ! (Il se promène de long en large.) Moi qui évite même de parler à la bonne ! Moi qui suis toujours bien, pourvu qu’on me fiche la paix !