Page:Benjamin - Grandgoujon, 1919.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
GRANDGOUJON

— Dans la cage, continua Grandgoujon, c’est Isidore.

— Hein ?

— Mon oiseau sans derrière…

Dans sa gaîté, cette fois, elle s’appuyait à son bras. Il en profita pour poser sa main sur la sienne et approcher sa figure familièrement :

— Chère Madame, c’est un merle ramassé dans le Luxembourg. Il avait l’aile cassée ; je l’ai soigné avec une pommade. Quant au derrière… il n’a jamais dû en avoir beaucoup.

— Ah ! fit-elle, s’asseyant, vous me ferez mourir de rire !

Il continua :

— Ma mère s’y est attachée… Sidore ?

Il ouvrit la fenêtre, passa son index dans la cage et, l’oiseau, d’un bec agressif, vint piquer ce gros doigt affectueux.

— Petit… faisait Grandgoujon, dis bonjour à la dame. Seulement, expliqua-t-il, il coûte les yeux de la tête !… Il ne mange que du pâté d’insectes.

Madame des Sablons était prise d’un fou rire.

— Trois francs la boîte, qu’il avale en deux jours… et il faut traverser Paris pour en avoir.

— Ayez pitié… j’étouffe… bredouilla Madame des Sablons.

Lui souriait, et il regardait cette petite bouche animée par le rire, charmante, tentante, et qui n’avait pas l’air faite que pour des paroles. En refermant la fenêtre, Grandgoujon n’avait pas des pensées chastes.