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GRANDGOUJON

le colonel de Florimond est venu lui-même me présenter ses devoirs.

— Le colonel ?

— Désirez-vous l’approcher ?

— C’est-à-dire… fit Grandgoujon, je voulais, ma tante, vous voir d’abord. Avec cette guerre, on ne sait jamais si on se reverra. Je suis donc sorti de la gare, mais… pour y rentrer il me faudrait un mot… au commissaire…

Elle tira un cordon près de la cheminée, demanda une lampe, mit des lunettes. Sur une table étroite, elle griffonna une lettre, et elle la tendit à Grandgoujon, pour le colonel.

— À cette heure, dit-elle, il est encore à ses bureaux.

— Admirable ! Non seulement Grandgoujon tenait son salut, mais un prétexte pour s’en aller.

— Ma tante, comment vous remercier ?… Et ma mère sera si heureuse d’avoir de vos nouvelles…

— Pauvre chère Anaïs, elle a connu le général : elle sait que notre triste époque ne l’aurait pas surpris ; et elle doit comprendre avec quelle émotion je la vis !

— Pensez ! dit Grandgoujon. Si elle comprend !

Il sortait. À la porte, il marcha sur un chat.

— Encore un qui aimait le général et le comprenait, soupira la vieille. Bonne chance, mon neveu, tâchez de passer entre les balles.

Le ton était affreux de sécheresse, mais Grandgoujon ne le sentit pas : il emportait son papier pour le Colonel de… ? Il lut à la lueur d’un bec de gaz : de Florimond ; ce n’était pas un nom