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Ô chantre sans égal, pic au milieu des cimes,
Où de plus de hauteur l’œil voit le plus d’abîmes,
Ô poète, ô penseur, noble musicien
Que désormais la terre appellera le sien,
Voilà cette œuvre immense, en sa vaste stature,
Grande, idéale et vraie ainsi que la nature ;
Drame intime, profond, joyeux, plaintif, amer,
Brillant comme l’azur, sombre comme la mer
Et que tu déroulas de ta voix inspirée,
Les pieds dans le chaos, le front dans l’empyrée !

Gloire à toi, gloire à toi ! — comme un arbre ses fruits,
Le monde verra choir les empires détruits,
Et les fiers conquérants suivis de leurs escortes
S’en aller dans la nuit comme des feuilles mortes.
Les siècles passeront ; trônes, lois, mœurs, autels,
Rien ne sera jamais stable chez les mortels.
Avec leurs Panthéons, leurs dômes, leurs portiques,
Fières de surpasser les Ninives antiques,
Si superbes que soient les cités des vivants
Jetant leurs millions de voix aux quatre vents,
Le temps avec son char aux terribles ornières
Les viendra niveler comme des taupinières,
Et sur les noirs débris de leurs entassements
Les autans jongleront avec leurs ossements.
Au bout de leurs destins, malheureux ou prospères,