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Et que ton cœur ému sous son vol de condor
Se mit à résonner comme une harpe d’or.
Tel qu’Orphée, aux accents de sa voix surhumaine,
Sut ravir Eurydice à l’infernal domaine,
Toi, nouveau Prométhée, à ses chastes autels
Tu l’aurais enlevée, et parmi les mortels,
Du ciel avec la terre annonçant l’hyménée,
Tu l’aurais, souriante, en triomphe amenée,
Si l’homme au paradis pouvait rentrer, vivant,
Si l’Archange, debout sur le seuil, glaive au vent,
Sentinelle placée aux abords du mystère,
N’en défendait l’entrée aux enfants de la terre,

Pourtant, maître sublime, aux chants consolateurs,
Titan qui sous tes pieds abaissas des hauteurs
Où l’air à nos poumons devient irrespirable,
De ce divin séjour, qu’un voile impénétrable
Cache à tous les regards, — grâce à toi, parmi nous,
Des échos sont venus qu’on adore à genoux ;
Le croyant les écoute et murmure : j’espère !
La veuve à l’orphelin dit : Dieu reste ton père ;
Et le tyran pâlit ; l’esclave sent le droit
Protester sous ses fers ; le sceptique à l’œil froid,
Tout étonné, tressaille en essuyant ses larmes,
Et l’athée à son tour, lui-même pris d’alarmes,
Entend d’une voix sourde, en son cœur soucieux,
Gémir « le dieu tombé qui se souvient des cieux ».