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Et puis, après l’orgueil au geste menaçant,
Fronçant vers le tonnerre un sourcil impuissant,
La résignation qui, la tête inclinée,
Accepte tes rigueurs, sévère Destinée,
Et, le sourire en pleurs, écartant de la main
Le morne désespoir qui l’accoste en chemin,
Sœur attendrie, aux bras des doux regrets ses frères,
Se console avec eux de tous les vents contraires ;
Mais aussi la révolte indomptable, l’essor
Aquilin du désir qui s’indigne du sort,
Et, dans l’affreux néant plutôt que de descendre,
Ardent Phénix, renaît plus vivant, de sa cendre,
D’un grand vol au soleil remonte épanoui,
Et célèbre, enivré, sur un mode inouï,
Dans la sphère idéale au mal inaccessible,
La Joie, hélas ! la Joie ici bas impossible !
— Cette fille du ciel, inconnue aux humains
Aurait peur de fouler nos lugubres chemins ;
Pas de vin assez pur ne croît sur nos collines
Que boiraient sans frémir ses lèvres sibyllines ;
Pas une fleur sans tache où pourrait se poser
Sans l’acre odeur du sang son lumineux baiser,
Et son aile, fuyant nos discordes sans trêves,
Ose à peine la nuit se risquer dans nos rêves.
Mais, évoquée un jour par ton frère Schiller,
Tu la vis de si près passer dans un éclair,
Que le nimbe, où sa gloire à nos yeux se dérobe,
Fit tressaillir ton front au contact de sa robe,