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Ta Muse aux blonds cheveux, qui de ses blancs sommets
Descendait sur ton cœur, prophétesse ravie,
Et fascinait ton âme, et faisait de ta vie
Un tissu radieux de longs enchantements !
Adieu, mer d’Harmonie où, comme deux amants
Vous tenant embrassés, l’orchestre des abîmes
Vous emparadisait parmi les Kéroubimes !
Au milieu des accords séraphiques des flots
Adieu sa voix céleste unie à tes sanglots,
Et sous sa bouche en fleur la tienne extasiée,
De ses baisers mielleux jamais rassasiée !
Adieu ! pour un mortel ton sort était trop beau !
N’espère son retour qu’au delà du tombeau !
Ecce homo ! — vivant, descends dans l’ossuaire,
En guise de manteau drape toi d’un suaire,
Et poursuis, couronné d’épines, dans ta main
Un sceptre de roseau, ton lugubre chemin !
Prends ta croix, suis le Christ dans sa route sévère !
Ta résurrection n’est qu’au prix du Calvaire.
Résigne toi, subis la loi du noir destin !
En plein midi frappé vois Mozart qui s’éteint ;
Tous les deux sur nos fronts, perçant nos nuits obscures,
Désormais vous brillez, immortels Dioscures ;
Mais avant de surgir dans les cieux étoilés,
Par l’aile d’Azraël à votre insu voilés,
Vous avez composé pour vos propres Ténèbres,
Lui, son grand Requiem, toi, tes marches funèbres !