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Par ce rempart d’airain, qu’il ne franchira plus,
De sa création ce dieu lui-même exclus ?
Est-ce qu’on se figure, au milieu d’un musée,
Rubens, roi des couleurs, dont la prunelle usée
Cherche en vain, à travers un brouillard odieux,
Ses grands tableaux, Kermesse immortelle des yeux ?
Ou Michel Ange aveugle et penché vers la tombe,
Une dernière fois, à l’heure où le jour tombe,
Conduit dans la Sixtine ou dans Saint Pierre, et là,
Navré de ne plus voir ces murailles qu’il a
D’innombrables splendeurs autrefois revêtues,
Dans l’ombre en sanglotant tâtonnant ses statues ?
Lui, l’aède suprême, à la beauté des cieux
Il lui restait encor d’assister par les yeux ;
Ce visible univers, dont il était le mage,
Avec son âme encor conversait en image,
Mais il ne vivait plus, pour ses chants à venir,
Dans le monde des sons que par le souvenir.

Sur la rive, où des flots du Danube arrosée,
Vienne sourit, charmante, au sein d’un Élysée,
Les beaux jours de printemps ou d’été, grave et seul,
De son affreux malheur secouant le linceul,
Il sortait. — Ô vallons, jardins, pentes fleuries,
Aspect sauvage et doux des fuyantes prairies,
Abîme ensoleillé du magique lointain
Ouvrant ses portes d’or, quand le vent du matin