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Mauvaise, et, pour que tout diffère entre elle et toi,
Mère, mère d’un fils. À ton tour, réponds-moi ?

Mais la noire se tut devant la ressemblance
Orpha se détournait et pleurait en silence ;
Puis, chacune ayant pris Jaïd par une main,
Toutes trois lentement se mirent en chemin.

Errantes au hasard dans la plaine déserte,
Orpha de ses aïeux vit la maison ouverte,
Résonnante, fumant des apprêts d’un festin,
Rouge et suant l’odeur des viandes et du vin.
Et comme elle hâtait les pas de l’orpheline,
Au détour d’un sentier, une case en ruine
Arrêta son regard : sous un maigre olivier,
Le toit crevé pendait encombrant le foyer.
Et c’était la maison où vierge, épouse et veuve,
Elle avait de l’hymen subi la triple épreuve.
L’enfant lui dit alors : — Quand arriverons-nous ?
Et la mère gémit, faible sous tant de coups.
Deux routes près de là se croisaient inégales :
L’une, aride et sonnant sous le cri des cigales,
L’autre, d’arbres épars ombragée à demi.

— C’est ici, dit Orpha, que Ruth et Noëmi,
Me laissant toute en pleurs, gravirent la montée
De cette route ardue et la moins abritée ;
N’hésitons pas, suivons leurs traces, je les vois,
J’entends, après dix ans, leurs sanglots et leurs voix.

L’esclave sur son dos prit l’enfant déjà lasse ;
Orpha marchait devant, et Jaïd, à voix basse,
Murmurait s’endormant : — Ce pays, quel est-il ?
— Le nôtre, dit la mère, et son nom, c’est l’Exil.

III



Les trois femmes enfin, après dix jours de route,
Après autant de nuits de terreur et de doute,
Le gué de l’Asphaltite et maint torrent passé,
Et le désert de Ziph à grand soif traversé,
Aux sources d’Ephrata redressant leur courage,
Arrivèrent un soir aux portes du village.
Des vieillards assemblés y discouraient ainsi :

— Regardez au levant : d’où viennent celles-ci ?