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Joël, sous ses palmiers, resta muet et sombre ;
La nuit l’enveloppait. Les chiens, frappés dans l’ombre,
Poussèrent un seul cri que la peur étouffa,
Et l’on n’entendit plus que les sanglots d’Orpha.

La noire alors reprit : — Quand vous m’aurez chassée,
Par qui, dans ce logis, serai-je remplacée ?
La veuve est jeune encor, l’enfant qui lui naîtra,
Si la mère vous sert, qui donc le bercera ?
Qui guidera ses pas ? qui tressera ses nattes ?
Qui troquera des peaux pour du fer ou des dattes ?
Quelle autre, répondez, fournira la maison
De maïs, si déjà manque la venaison,
Et si le vent du sud, qui porte les gazelles,
Fait vos nerfs sans vigueur et vos flèches sans ailes.

Le chasseur éclata : — Qui t’a dit de partir ?
Reste, langue d’aspic, et bientôt, sans mentir,
Tu diras du chasseur dont on parle en nos villes,
Qu’il nourrit de son arc deux bouches inutiles.

Et suivi de ses chiens, dociles au sifflet,
Il poussa dans la case Orpha qui chancelait.

II



Joël, le lendemain, convoqua l’assemblée
Des anciens, et, par eux, l’union fut scellée.
Dieu la rendit féconde, et la veuve conçut
Dès le troisième mois. Joël, dès qu’il le sut,
Dit : le grain est tombé dans une bonne terre.
Mon fils aura pour nom Joël, comme son père.
Enfant, dans les forêts, mes bras l’emporteront,
Tranquille sous mon arc les tigres le verront.
La peau du léopard, sur la terre étendue,
Assurera ses pas, réjouira sa vue,
Jusqu’à l’âge où, grandi, lui-même il lancera
Le lacet qu’en fuyant l’onagre secoûra.
Gloire aux dieux de Moab, ils sont grands, nul mensonge
N’émane d’eux ; hier j’ai connu, par un songe,
Qu’à la neuvième lune un fils naîtrait de moi.

Ainsi parlait Joël, aveugle dans sa foi ;
Mais, dans l’année, Orpha mit au jour une fille.
Rien d’abord ne parut changé dans la famille ;
L’enfant eut nom Jaïd ; l’esclave, dans son sein,