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Et qui, forts et vaillants devant leur nation,
Vont dans son antre même assaillir le lion.
Noire de peau, mais belle, et docile à toute heure,
Une esclave stérile habitait sa demeure.
Elle accueillit la veuve au seuil de la maison.
Et du doigt, sans parler, lui montra l’horizon.
Un homme alors parut ; la négresse ; inquiète,
Sans l’oser regarder, triste, baissa la tête ;
Car Joël le chasseur, après un jour entier,
Pour la première fois revenait sans gibier.

— Deux femmes au logis, dit une voix amère,
Le renom du chasseur attire l’étrangère ;
Sans doute elle a compté sur un joyeux repas ?

Les chiens flairaient Orpha, qui ne répondit pas.
L’esclave alors dit tout.

 — Puisqu’elle est ma parente,
Dit Joël, elle a droit de dormir sous ma tente ;
Je lui dois la moitié de ma soif, de ma faim.
Sous mon toit d’ouragan qu’elle repose enfin !
Près de moi, quoique veuve, elle aura trouvé grâce
S’il me naît d’elle, un jour, un fils qui me surpasse,
Et pourvoie à son tour, chasseur jeune et hardi,
De fourrure et de chair mon vieux corps engourdi.
Toi, donc, sois libre ! pars, et fais place à l’épouse :
Une femme est assez. Point d’esclave jalouse !
Je me dois à mon sang, ainsi le veut la loi ;
Retourne en tes déserts stériles comme toi.

L’esclave s’apprêtait au départ, mais, tremblante,
Plus sa tâche avançait, plus sa main était lente,
D’autres yeux cependant ne cherchaient pas les siens,
Et Joël, sans la voir, jouait avec ses chiens.

Quand elle eut à la source empli sa calebasse,
Elle alla vers le maître, et, parlant à voix basse :
— J’emporte en un sachet les dieux de mon pays,
Et, grâce à vous encor, pour cinq jours de maïs.
On m’a prise au désert enfant, esclave et nue,
On me rend au désert femme libre et vêtue.
De plus, car j’ai grandi, vivant seule en votre air,
J’ai cet anneau d’argent qui m’entre dans la chair ;
Sous la terre avec lui j’aurais voulu descendre,
Mais je n’en suis plus digne, et je veux vous le rendre ;
Quelqu’un peut m’envier un si riche cadeau,
Brisez donc, pour le prendre, ou le bras ou l’anneau.